Le Cameroun devra apprendre du Congo et de la RCA, afin d’éviter leurs erreurs du passé

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La notification du Cameroun, comme 78ème membre admis au processus de Kimberley, en fait le troisième pays de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Cemac) à intégrer ce mécanisme que ses dirigeants n’ont pas manqué de qualifier « d’élitiste ». Désormais, le Cameroun peut acheter et vendre son diamant. Le ministre camerounais en charge des mines ne manque pas de parler d’une ère nouvelle pour l’exploitation minière au Cameroun. Pourtant, à l’instar de ses deux voisins admis bien avant lui, le Cameroun va devoir affronter les difficultés de la mise en œuvre permanente et effective du processus. Si officiellement le Cameroun n’était pas cité dans le cadre du marché du diamant, sa proximité avec des pays producteurs ne peut pas être une cause de son exclusion complète des opérations y relatives.

« En admettant le Cameroun dans le processus de Kimberley, ses responsables font un pas vers la sécurisation du diamant produit dans toute l’Afrique centrale, le Cameroun étant un pays portuaire. Pour comprendre les enjeux de l’admission du Cameroun, il faut effectivement se placer dans une perspective régionaliste », explique un observateur averti. L’un des principaux gisements de diamant connu au Cameroun (région du sud-est) se situe dans une zone frontalière, où on retrouve aussi la République du Congo et la République centrafricaine, deux pays qui bien qu’étant membres du processus de Kimberley, gardent une histoire très étroite avec les diamants de la guerre. Le principal avantage des diamants qu’on retrouve dans cette zone est qu’ils sont de nature alluviale. Et ils nécessitent moins d’investissements pour l’extraction. Leur commercialisation passe par des circuits complexes. Les diamants sont une source de devises essentielles à la survie des centaines de milliers de personnes démunies. Celles-ci sont souvent complices des contrebandiers. Ce qui risque d’attirer de nombreux fonctionnaires tentés par la corruption. Si le pari est aujourd’hui gagné pour le Cameroun, une bonne coopération sous régionale sera importante pour rendre efficiente le processus de Kimberley, qui a fait l’objet de nombreuses critiques.

 

Au-delà de l’adhésion au processus de Kimberley, tirer les enseignements de l’expérience des autres
Malgré la richesse de leur sous-sol, certaines régions diamantifères de la République centrafricaine (RCA) restent frappées par une extrême pauvreté et des violences à répétitions. Une apparente fatalité contre laquelle le président François Bozizé n’a pas encore pu lutter de façon rigoureuse. Sa mainmise sur le secteur du diamant a renforcé certes son pouvoir, mais a aussi favorisé l’enrichissement d’une minorité, mais ne contribue que très lentement à atténuer la pauvreté de milliers de mineurs artisanaux informels. L’effet conjugué de fonctionnaire encore véreux, de la criminalité et de l’extrême pauvreté aboutit à des cycles de violence, incitant parfois les factions politiques rivales à entrer en rébellion tout en leur permettant de tirer profit du commerce illégal des diamants. Pour rompre ce cercle vicieux, une réforme en profondeur du secteur se met en place difficilement, avec comme priorité essentielle la stratégie de consolidation de la paix du pays. Historiquement, l’exploitation du diamant en RCA, comme c’est le cas pour toutes les matières premières en Afrique, a bien plus bénéficié aux entrepreneurs étrangers et aux régimes corrompus qu’aux peuples Centrafricains. Les réformes entreprises par le nouveau régime au pouvoir depuis 2003, ont eu un impact significatif inattendu. L’extraction industrielle ou semi-industrielle des diamants n’existe plus en RCA et leur exploitation est essentiellement artisanale et illégale : environ 80 000 à 100 000 mineurs creusent dans l’espoir de subsister en vendant leur production à des intermédiaires étrangers qui les revendent aux comptoirs d’exportation. Une activité que le gouvernement essaye tant bien que mal de contrôler.

Les pièges à éviter dans le cadre de la mise en place des mécanismes de contrôle
Pour la RCA, le diamant aura été longtemps une malédiction. D’abord exploité massivement par les régimes coloniaux, une fois les indépendances acquises, Les dirigeants successifs ont transformé leur responsabilité étatique en une opportunité de faire des affaires. Faute d’avoir le capital suffisant pour lancer leurs propres opérations minières ou ouvrir leurs propres bureaux d’achat, les élites dirigeantes ont largement profité des grandes compagnies, pour l’essentiel étrangères, en exigeant d’elles une part de la production ou en taxant fortement leurs exportations. il également admis que les dirigeants ont également utilisé les fonds publics, limités mais précieux, pour s’enrichir eux-mêmes, leur famille et pour financer un système de clientélisme leur assurant l’allégeance politique de certains groupes. Avec l’arrivée au pouvoir de Monsieur Bozizé, les choses ont progressivement changé, et le système de transparence mis en place a été récompensé par l’adhésion du pays au processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Mais l’expérience centrafricaine apprend que les réformes en elle-même n’apportent pas les améliorations. Il y a aussi la manière dont les hommes mettent en place ces réformes. En raison d’une mise en œuvre mécanique, l’exploitation du dimant centrafricain est devenue très difficile pour les entreprises. Les nationaux qui n’ont pas su profiter du transfert des compétences n’ont ni les moyens ni la capacité de faire des exploitations pertinente. A la suite des réformes qui débuteront vraiment en 2007, il y a eu une situation inattendue. Une diminution de l’extraction minière et une hausse de la contrebande ont entraîné une chute immédiate des exportations officielles et des recettes de l’Etat. Les deux combinés ont été accentués par la baisse du prix des diamants sur le marché mondial en raison de la crise 2008.